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plus jeune et le moins puissant des émirs, obtint par cette considération le poste de grand visir ; mais aidé des conseils de son père, qu’il invita de se rendre au Caire, son génie prit de l’ascendant sur ses égaux, et sut attacher l’armée à sa personne et à ses intérêts. Tant que Noureddin vécut, ces Curdes ambitieux furent les plus soumis de ses esclaves ; et le prudent Ayub imposa silence aux murmures indiscrets du divan, en déclarant que, si le sultan l’ordonnait, il conduirait lui-même au pied du trône son fils chargé de chaînes. « J’ai dû, ajouta-t-il à Saladin en particulier, tenir ce langage dans une assemblée composée de vos rivaux ; mais nous sommes aujourd’hui au-dessus de la crainte et de l’obéissance, et les menaces de Noureddin n’obtiendront pas de nous le tribut d’une canne à sucre. » La mort du sultan vint à propos leur sauver le danger et le reproche d’une telle contestation. Son fils, âgé de onze ans, demeura quelque temps entre les mains des émirs de Damas, et le nouveau maître de l’Égypte fut décoré par le calife de tous les titres[1] qui pouvaient sanctifier son usurpation aux yeux du

    dèles l’honneur de les admettre dans un ordre chrétien. (Ducange, Observ., p. 70).

  1. Dans ces litres arabes, il faut toujours sous-entendre religionis. Noureddin, lumen r. ; Ezzodin, decus ; Amadoddin, columen : le nom propre de notre héros était Joseph, et on le nomma Salahaddin, salus ; al-Malichus, al-Nasirus, rex defensor ; Abu-Modaffir, pater victoriæ (Schultens, Préface).