Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/415

Cette page a été validée par deux contributeurs.

monarchie des fatimites. La puissance et la religion des Turcs les rendaient plus formidables ; mais les Francs pouvaient sans obstacles s’avancer directement de Gaza jusqu’au Nil, tandis que Noureddin par la situation de ses états était forcé de faire faire à ses troupes, autour de l’Arabie, un circuit pénible et dangereux qui les exposait à la soif, à la fatigue et aux vents brûlans du désert. Un mélange de zèle et d’ambition faisait désirer au prince turc de régner en Égypte sous le nom des Abbassides : mais le rétablissement de Shawer, qui avait imploré sa protection, fut le motif spécieux de sa première expédition. Il en chargea l’émir Shiracouh, général renommé par sa valeur et son expérience. Dargham perdit la bataille et la vie ; mais l’ingratitude, les soupçons et les craintes fondées de son heureux rival, l’engagèrent bientôt à solliciter le secours du roi de Jérusalem pour délivrer l’Égypte de ses insolens bienfaiteurs. Shiracouh ne put résister à leurs forces réunies : il abandonna sa conquête récente et évacua Belbeis ou Péluse, à condition qu’on lui laisserait faire librement sa retraite. Tandis que les Turcs défilaient devant l’ennemi et que leur général fermait la marche, attentif à tout ce qui se passait et armé de sa hache de bataille, un Franc osa lui demander s’il ne craignait point qu’on l’attaquât. « Il ne tient qu’à vous sans doute, lui répondit l’intrépide émir, de commencer l’attaque ; mais tenez-vous pour assuré qu’aucun de mes soldats n’ira en paradis sans avoir envoyé un infidèle aux enfers. »