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de la Cilicie et de la Syrie étaient des possessions plus récentes et plus accessibles à ses troupes. La grande armée des croisés se trouvait anéantie ou dispersée. Bohémond, surpris et fait prisonnier, avait laissé sans chef la principauté d’Antioche ; le prix de sa rançon l’avait chargé d’une dette considérable, et les Normands n’étaient point assez nombreux, pour repousser les hostilités continuelles des Grecs et des Turcs. Dans cette extrémité, Bohémond prit la résolution courageuse de confier la défense d’Antioche à son parent le fidèle Tancrède, d’armer les forces de l’Occident contre l’empire de Byzance, et d’exécuter le projet que lui avaient tracé les leçons et l’exemple de son père Guiscard. Il s’embarqua secrètement, et, s’il en faut croire un conte de la princesse Anne, traversa la mer occupée par ses ennemis, soigneusement caché dans un cercueil[1] ; il fut reçu en France au bruit des applaudissemens publics, et le roi lui donna sa fille en mariage. Son retour fut glorieux, puisque les guerriers les plus renommés du siècle consentirent à marcher sous ses ordres. Il repassa la mer Adriatique à la tête de cinq mille chevaux et de quarante mille hommes d’infanterie, rassemblés de toutes les extrémités de l’Europe[2]. La

  1. Anne Comnène ajoute que pour compléter l’illusion, on l’enferma dans le cercueil avec le cadavre d’un cuisinier, et elle daigne être surprise que ce Barbare ait pu supporter cette clôture et l’odeur du cadavre. Ce conte ridicule n’est point connu des Latins.
  2. Αϖο Θυλης dans la Géographie byzantine doit si-