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robes de soie, de vases et de bourses d’or et d’argent. Dans l’opinion qu’il se formait de leur mérite et de leur autorité, Bohémond tenait la première place, et Godefroi la seconde. Sans se laisser ébranler par leurs diverses fortunes, les croisés répondirent toujours que, sans examiner les droits particuliers de chacun des sectateurs de Mahomet, l’usurpateur de Jérusalem, quels que fussent son nom et son pays, était leur ennemi ; et qu’au lieu de leur prescrire l’ordre ou les conditions de leur pèlerinage, il ferait prudemment de leur livrer la ville et la province, leur héritage sacré et légitime, s’il voulait conserver leur alliance et prévenir sa propre destruction[1].

Délai des Francs. A. D. 1098. Juillet. A. D. 1099. Mai

Cependant presque à la vue de ce but glorieux de leur entreprise, bien qu’ils semblassent y toucher, ils n’attaquèrent la ville de Jérusalem que dix mois après la défaite de Kerboga. Le zèle et le courage des croisés se refroidirent au moment de la victoire ; et au lieu de profiter, en s’avançant, de l’épouvante qu’ils avaient répandue, ils s’empressèrent de se disperser pour jouir du luxe de la Syrie. On doit attribuer probablement cet étrange délai au défaut de forces et de subordination. Durant les pénibles et divers travaux du siége d’Antioche, toute leur cavalerie s’était anéantie. Ils avaient perdu des milliers de

  1. Voyez les transactions entre le calife d’Égypte et les croisés dans Guillaume de Tyr (l. IV, c. 24 ; l. VI, c. 19), et Albert d’Aix (l. III, c. 59), qui semblent en sentir mieux l’importance que les écrivains contemporains.