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son frère trop scrupuleux, embrassa les serviteurs de Dieu et les introduisit dans la ville. Ils ouvrirent les portes à l’armée, et les musulmans éprouvèrent que, si la soumission était inutile, la résistance était impossible ; mais la citadelle refusa de se rendre, et les vainqueurs se virent bientôt environnés et assiégés par l’armée innombrable de Kerboga, prince de Mosul, qui venait, accompagné de vingt-huit émirs, au secours d’Antioche. Les chrétiens restèrent vingt-cinq jours dans cette situation désespérée, et l’orgueilleux lieutenant du calife ne leur laissait que l’alternative de la mort ou de la captivité[1]. [Victoire des croisés. A. D. 1098. Juin 28.]Réduits à l’extrémité, ils rassemblèrent les restes de leurs forces, sortirent de la ville, et par une victoire mémorable, détruisirent ou dispersèrent dans une seule journée cette multitude de Turcs et d’Arabes qu’ils ont pu, sans crainte d’être contredits, évaluer à six cent mille hommes[2]. J’examinerai tout à

  1. Après avoir rapporté la triste situation des Francs et leur humble proposition, Abulpharage ajoute la réponse hautaine de Codbuka ou Kerboga : Non evasuri estis nisi per gladium. (Dynast., p, 242.)
  2. En décrivant l’armée de Kerboga, la plupart des historiens latins (l’auteur des Gesta, p. 17 ; le moine Robert, p. 56 ; Baldric, p. 111 ; Foulcher de Chartres, p. 392 ; Guibert, p. 512 ; Guillaume de Tyr, l. VI, c. 3, p. 714 ; Bernard le Trésorier, c. 39, p. 695) se contentent des expressions vagues de infinita multitudo, immensum agmeu, innumeræ copiæ ou gentes, qui se rapportent avec μετα ανοριθμητων χιλιαδων d’Anne Comnène (Alexiad., l. XI, p. 318--