Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/343

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et glissantes du mont Taurus ; un grand nombre de soldats, pour marcher avec moins de danger, se débarrassèrent de leurs armes, et si la terreur n’eût pas précédé leur avant-garde, une poignée d’ennemis déterminés aurait pu renverser dans le précipice toute cette file tremblante. On portait dans une litière deux de leurs plus respectables chefs, le duc de Lorraine et le comte de Toulouse : Raimond avait été sauvé, dit-on, par miracle, d’une maladie dangereuse qui ne laissait plus d’espoir, et Godefroi avait été grièvement blessé par un ours qu’il s’amusait à chasser dans les montagnes de Pisidie.

Baudouin fonde la principauté d’Édesse. A. D. 1097-1151.

Pour compléter la consternation générale, le cousin de Bohémond et le frère de Godefroi s’étaient détachés de l’armée, chacun avec ses escadrons composés de six ou sept cents chevaliers. Ils parcoururent rapidement les montagnes et les côtes maritimes de la Cilicie, depuis Cogni jusqu’aux frontières de la Syrie. Le Normand planta le premier ses étendards sur les murs de Tarse et de Malmistra ; mais l’orgueil injuste de Baudouin irrita la patience du généreux Italien, et ils vidèrent leur querelle dans un combat singulier. L’honneur était le motif de Tancrède, et il ne voulait que la gloire pour récompense ; mais la fortune favorisa l’entreprise moins généreuse de son rival[1]. Un tyran

  1. Ce qu’il y a de mieux sur cette conquête particulière d’Édesse, est le récit qu’en a fait Foulcher de Chartres, le vaillant chapelain du comte Baudouin, recueilli dans les