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sultane et les principaux serviteurs de Soliman obtinrent la liberté sans rançon, et la générosité de l’empereur envers les mécréans[1] passa dans l’esprit des Latins pour une preuve de sa perfidie.

Bataille de Dorylée. A. D. 1097. Juillet 4.

Soliman fut plus irrité qu’abattu de la perte de sa capitale. Il informa ses sujets et ses alliés de l’invasion extraordinaire des Barbares d’Occident. Les émirs turcs obéirent à la voix du prince et de la religion. Les hordes des Turcomans vinrent se rassembler autour de ses drapeaux, et ses forces réunies sont vaguement évaluées par les chrétiens à deux cent et même à trois cent soixante mille hommes de cavalerie. Il attendit cependant avec patience que les croisés se fussent éloignés de la mer et des frontières de la Grèce, et les suivit en voltigeant sur leurs flancs. Remplis d’une imprudente confiance, ils marchaient en deux colonnes séparées et hors de portée de la vue l’une de l’autre : à quelques milles en-deçà de Dorylée en Phrygie, Soliman surprit la colonne gauche, qui était la moins nombreuse ; il l’attaqua et la mit presque en déroute[2]. La chaleur de la saison, une nuée de flè-

  1. Mécréans, terme inventé par les croisés français, et qui n’est en usage que dans ce sens originaire ; il paraît que nos ancêtres, dans l’ardeur de leur zèle, regardaient tout incrédule comme un misérable. Ce préjugé couve encore dans l’âme de bien des gens qui prétendent au nom de chrétiens.
  2. Baronius a produit une lettre fort suspecte adressée à son frère Roger (A. D. 1098, no 15). Les ennemis étaient