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l’un fils du roi d’Angleterre, et l’autre parent de trois reines, fléchirent à leur tour devant le trône d’Alexis[1]. Une lettre d’Étienne de Chartres atteste ses sentimens d’admiration pour l’empereur, le meilleur et le plus libéral des hommes, dont il se croyait le favori, et qui avait promis d’élever et d’établir le plus jeune de ses fils. Le comte de Saint-Gilles et de Toulouse, qui, dans sa province méridionale, reconnaissait à peine la suprématie du roi de France, dont la langue et la nation lui étaient étrangères, déclara fièrement, à la tête de ses cent mille hommes, qu’il ne voulait être serviteur et soldat que du Christ, et que le prince grec pouvait se contenter d’un traité d’amitié et d’alliance égale. Sa résistance opiniâtre rehaussa le prix de sa soumission ; il brillait parmi les Barbares, dit la princesse Anne, comme le soleil parmi les étoiles du firmament. L’empereur confia au fidèle Raimond son antipathie pour le bruit et l’insolence des guerriers français, et ses soupçons sur les desseins de Bohémond : le politique, instruit par une longue expérience, discerna sans peine que l’amitié d’Alexis pouvait être trompeuse, mais qu’il était du moins sincère dans sa haine[2]. L’esprit de la chevalerie fut le dernier qui céda dans la personne de Tancrède, et nul ne put rougir d’imiter l’exemple

  1. Après son retour, Robert se fit l’homme lige du roi d’Angleterre. Voy. le premier acte des Fœdera de Rymer.
  2. Sensit vetus regnandi, falsos in amore, odia non fingere. Tacite, VI, 44.