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pénétré de ses vertus, le nomma avec justice le champion de l’empire, et releva son titre de vassal par la qualité de fils adoptif, qu’il lui conféra avec toutes les cérémonies requises[1]. Bohémond, objet de la haine d’Alexis, fut reçu par lui comme un ancien et fidèle allié, et l’empereur ne lui rappela ses premières hostilités que pour faire l’éloge de sa valeur, et de la gloire qu’il avait acquise dans les plaines de Durazzo et de Larisse. Le fils de Guiscard fut logé, traité et servi avec une magnificence royale ; un jour, comme il traversait une galerie du palais, une porte, laissée ouverte comme par hasard, offrit à sa vue une pile d’or et d’argent, de bijoux et de meubles précieux entassés, dans un désordre apparent, depuis le plancher jusqu’à la voûte de la chambre. « Quelles conquêtes, dit l’avide ambitieux, ne pourrait-on pas faire avec le secours de ce trésor ! — Il est à vous, lui répondit un Grec qui épiait dans ses yeux l’impression de son âme ; Bohémond, après avoir hésité un instant, daigna accepter ce magnifique présent. On flatta le Normand de l’assurance d’une principauté indépendante ; et Alexis éluda, plutôt qu’il ne la refusa, sa demande audacieuse de l’office de grand domestique ou de général de l’Orient. Les deux Robert,

  1. Il y avait deux sortes d’adoptions : celle des armes, et l’autre dont la cérémonie consistait à faire passer le fils adoptif entre la peau et la chemise de son père. Ducange (sur Joinville, Dissert. XXII, p. 270) suppose que Godefroi fut adopté de la dernière de ces deux manières.