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nies se montèrent à cent mille combattans, soit infanterie ou cavalerie. Si Raimond fut le premier à prendre la croix et le dernier à se mettre en route, la grandeur de ses préparatifs et le projet de dire un éternel adieu à sa patrie peuvent être regardés comme une excuse légitime. [4o. Bohémond et Tancrède.]4o. Le nom de Bohémond, fils de Robert Guiscard, était déjà fameux par sa double victoire sur l’empereur grec ; mais le testament de son père l’avait réduit à la principauté de Tarente et au souvenir de ses trophées d’Orient, lorsqu’il fut réveillé par le bruit de la sainte entreprise et par le passage des pèlerins français. C’est dans le caractère de ce chef normand que nous trouverons le plus d’ambition et de froide politique mêlées d’une légère dose de fanatisme religieux. Sa conduite autorise à croire qu’il avait secrètement dirigé le pape dans ses desseins, qu’il feignit d’apprendre avec autant d’étonnement qu’il mit d’ardeur à les seconder. Au siége d’Amalfi, ses discours et son exemple enflammèrent le zèle de l’armée confédérée ; il déchira son habit pour fournir des croix à ceux qui s’enrôlaient sous ses drapeaux, et se prépara à visiter Constantinople et l’Asie, à la tête de dix mille chevaux et de vingt mille hommes d’infanterie. Plusieurs princes normands suivirent leur ancien général, et son cousin Tancrède[1] l’accompagna

  1. La mère de Tancrède, Emma, sœur du grand Robert Guiscard, et son père était le marquis Odon-le-Bon. Il est étonnant que la patrie d’un si illustre personnage soit