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à Raimond de forcer les infidèles à louer sa valeur que de conserver l’affection de ses sujets et de ses compagnons d’armes : son caractère arrogant, envieux et opiniâtre, ternissait ses qualités brillantes, et, quoiqu’il eût abandonné pour la cause de Dieu un riche patrimoine, sa piété n’était pas, dans l’opinion publique, exempte d’un mélange d’avarice et d’ambition[1]. Les Provençaux passaient pour avoir l’esprit plus mercantile que martial, et, sous le nom de Provençaux[2], on comprenait les habitans de l’Auvergne et du Languedoc[3], les vassaux du royaume de Bourgogne et d’Arles. Raimond tira des frontières de l’Espagne une bande d’intrépides aventuriers ; dans son passage en Lombardie, une foule d’Italiens accourut sous ses drapeaux ; ses forces réu-

  1. Il est assez extraordinaire que Raimond de Saint-Gilles, personnage subordonné dans l’histoire des Croisades, se trouve placé par les écrivains grecs et par les Arabes à la tête des héros de cette expédition (Anne Comnène, Alex., l. X, XI, et Longuerue, p. 129).
  2. Omnes de Burgundiâ et Alverniâ, et Vasconiâ et Gothi (du Languedoc) provinciales appellabantur, cæteri vero Francigenæ et hoc in exercitu ; inter hostes autem Franci dicebantur. (Raimond d’Agiles, p. 144.)
  3. Sa ville natale ou son premier apanage était consacrée à saint Ægidius, dont le nom, au temps de la première croisade, avait été déjà transformé par les Français en celui de Saint-Gilles ou Saint-Giles. Elle est située dans le Bas-Languedoc, entre Nîmes et le Rhône, et s’enorgueillit encore d’une église collégiale fondée par Raimond (Mélanges tirés d’une grande Bibliothéque, t. XXXVII, p. 51).