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race des comtes de Boulogne. Sa mère avait hérité du Brabant ou Basse-Lorraine[1], et l’empereur avait investi Godefroi de ce duché, qui a été transmis à tort à sa seigneurie de Bouillon dans les Ardennes[2]. Au service de Henri IV, il porta le grand étendard de l’empire, et perça de sa lance le cœur de Rodolphe, le roi rebelle. Godefroi escalada le premier les murs de Rome, et sa maladie, son vœu, ou peut-être ses remords d’avoir porté les armes contre le pape, le confirmèrent dans la résolution qu’il avait déjà prise de visiter le Saint-Sépulcre, non pas comme pèlerin, mais comme libérateur. Sa valeur était tempérée par la prudence et la modération ; sa piété, quoique aveugle, était sincère, et il pratiquait dans le tumulte des camps toutes les vertus réelles et imaginaires d’un cénobite. Supérieur aux factions qui divisaient les chefs, Godefroi[3] réservait sa haine aux ennemis du Christ ; et bien que cette entreprise lui eût valu un royaume, ses rivaux ren-

  1. Les débris du royaume de Lotharingia ou Lorraine furent divisés en deux duchés, de la Moselle et de la Meuse ; le premier a conservé son nom, et l’autre a pris celui de Brabant. (Valois, Notit. Gall., p. 283-288.)
  2. Voyez dans la Description de la France, par l’abbé de Longuerue, les articles de Boulogne (part. I, p. 47, 48 ; Bouillon, p. 134). En partant, Godefroi vendit ou engagea Bouillon à l’Église pour treize mille marcs.
  3. Voyez dans Guillaume de Tyr (l. IX, c. 5-8) le caractère de Bouillon ; son ancien projet dans Guibert (p. 485) ; sa maladie et son vœu dans Bernard le Trésorier, (c. 78).