Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/303

Cette page a été validée par deux contributeurs.

diqué par l’empereur, et se précipiter, tête baissée, contre les Turcs qui occupaient la route de Jérusalem. L’ermite, honteux de son personnage, s’était retiré de leur camp à Constantinople ; et Gauthier, son lieutenant, qui méritait de commander de meilleures troupes, essaya sans succès d’introduire un peu d’ordre et de discipline parmi ces sauvages. Ils se séparèrent pour piller, et tombèrent sans peine dans les piéges que leur avait préparés le sultan. Soliman avait fait adroitement courir le bruit que ceux des croisés qui marchaient en avant s’étaient emparés de sa capitale ; les autres se précipitèrent dans la plaine de Nicée pour joindre leurs compagnons et partager les dépouilles. Ils y furent accablés par les flèches des Turcs ; des monceaux d’ossemens informèrent ceux qui les suivirent du lieu de leur défaite[1], et trois cent mille des premiers croisés s’étaient ensevelis dans l’Asie, avant d’avoir enlevé une seule ville aux infidèles, avant que les chefs et les nobles de leur pays eussent achevé les préparatifs de leur entreprise[2].

  1. Anne Comnène (Alexiad., l. X, p. 287) décrit cette οσ‌των κολωνος comme une montagne υψηλον και βαθος και πλατος αξιολογωτατον ; les Francs s’en servirent eux-mêmes au siége de Nicée pour construire un mur.
  2. Je représenterai ici dans un court tableau les renvois particuliers aux grands événemens de la première croisade.