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les souverains acquirent à bon marché les domaines de leurs vassaux, et les acquéreurs ecclésiastiques firent entrer en paiement l’assurance de leurs prières. Quelques croises zélés imprimèrent sur leur peau la croix que les autres ne portaient que sur leur habit ; ils se servaient d’un fer chaud ou d’une liqueur corrosive qui rendait la marque indélébile ; et un moine rusé, en montrant cette croix gravée miraculeusement sur sa poitrine, obtint la vénération du peuple et les plus riches bénéfices de la Palestine[1].

Départ des premiers croisés. A. D. 1096. Mars, mai, etc.

Le concile de Clermont avait fixé le départ des croisés au 15 août ; mais ce terme fut anticipé par la foule impatiente des plébéiens indigens ; je raconterai succinctement leurs souffrances et leurs fureurs avant de commencer le récit de l’entreprise plus sérieuse et plus heureuse de leurs chefs. Dès le commencement du printemps, plus de soixante mille personnes des deux sexes et des dernières classes du peuple vinrent, des confins de la France et de la Lorraine, se réunir autour du premier missionnaire de la croisade, et le presser, par leurs cris et leurs importunités, de les conduire au Saint-Sépulcre. Pierre, devenu général sans en avoir les talens ou l’autorité, conduisit ou suivit ses ardens prosélytes le long des bords du Rhin et du Danube. Leur nombre et leurs besoins les forcèrent bientôt à se séparer. Gauthier, sans avoir,

  1. On trouve (Esprit des Croisades, t. III, p. 169, etc.) quelques particularités sur ces stigmates, tirées d’auteurs que je n’ai point vus.