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l’autorité dont elle émane, ne parvient pas à changer en un instant le caractère d’une génération, et l’on sait beaucoup moins de gré à Urbain de ses efforts pour apaiser les querelles des particuliers, lorsqu’on songe que le but de ces efforts était de se faciliter les moyens de répandre les flammes de la guerre depuis les bords de l’Atlantique jusqu’aux rives de l’Euphrate. Depuis la tenue du synode de Plaisance, le bruit de ce grand projet s’était répandu chez toutes les nations. Les ecclésiastiques qui en revenaient avaient prêché, dans tous les diocèses, le mérite et la gloire attachés à la délivrance de la Terre-Sainte, et le pontife, du haut de la chaire qu’on lui avait élevée dans le marché de Clermont, n’eut à persuader que des auditeurs bien préparés et pressés de le croire. Ses argumens étaient clairs, son exhortation véhémente, et le succès immanquable. Des milliers de voix, réunies en une seule, interrompirent l’orateur et s’écrièrent bruyamment, dans le grossier langage du temps : « Dieu le veut. Dieu le veut[1] !

  1. Deus vult ! Deus vult ! était l’acclamation du clergé qui entendait le latin (Robert Monach., l. I, p. 32). Les laïques qui parlaient le patois provençal ou limousin la corrompaient et criaient : Deus lo volt ou Die el volt ! Voyez Chron. Casinense, l. IV, c. 11, p. 497, in Muratori, Script. rerum ital., t. IV, et Ducange, Diss. XI, p. 207, sur Joinville, et Gloss. lat., t. II, p. 690. Il produit dans sa préface un échantillon très-difficile du dialecte du Rouergue (A. D. 1100), ce qui approche fort du temps et du lieu où se tint le concile de Clermont (p. 15, 16).