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déplorèrent une révolution qui, au lieu de l’administration régulière et de l’ancienne alliance des califes, les soumettait au joug de fer des étrangers du Nord[1]. La cour et l’armée du sultan offraient, à quelques égards, les arts et les mœurs de la Perse ; mais le gros des Turcs, et particulièrement les tribus pastorales, conservaient la férocité des peuplades du désert. De Nicée à Jérusalem, les contrées occidentales de l’Asie étaient le théâtre de guerres étrangères ou intestines ; et ni le caractère ni la situation des pasteurs de la Palestine, qui exerçaient une autorité précaire sur une frontière malintentionnée, ne leur permettaient d’attendre les tardifs avantages de la liberté du commerce et de la liberté de religion. Les pèlerins qui, à travers d’innombrables dangers, arrivaient aux portes de Jérusalem, devenaient les victimes du brigandage des individus ou de la tyrannie de l’administration, et succombaient souvent à la misère ou à la maladie, avant d’avoir eu la consolation de saluer le Saint-Sépulcre. Soit barbarie naturelle ou zèle d’une religion nouvelle, les Turcomans insultaient les prêtres de toutes les sectes : le patriarche fut traîné par les cheveux sur le pavé et jeté dans un cachot : pour forcer son troupeau à le racheter, la grossièreté de ces maîtres

  1. Guillaume de Tyr (l. I, c. 8, p. 634), qui se fatigue à grossir les maux que souffraient les chrétiens. Les Turcs exigeaient un aureus de chaque pèlerin. Le caphar des Francs est aujourd’hui de quatorze dollars, et l’Europe ne se plaint pas de cette taxe volontaire.