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merce des chrétiens, et les émirs de la Palestine se trouvaient moins éloignés de la justice et de la puissance du trône ; mais le troisième de ces califes fatimites fut le fameux Hakem[1], jeune frénétique, que son impiété et son despotisme avaient affranchi de la crainte de Dieu et des hommes, et dont toute la conduite n’offrit qu’un mélange bizarre de vices et d’extravagances. Sans égards pour les usages de l’Égypte les plus anciens, il assujettit les femmes à une réclusion absolue : cette gêne excita les clameurs des deux sexes ; leurs cris provoquèrent sa fureur ; il fit livrer aux flammes une partie du vieux Caire, et les citoyens soutinrent contre ses gardes un combat meurtrier qui dura plusieurs jours. Le calife se montra d’abord un zélé musulman ; il fonda ou enrichit des mosquées et des colléges ; il fit transcrire à ses frais, en lettres d’or, douze cent quatre-vingt-dix exemplaires du Koran, et il ordonna d’arracher toutes les vignes de la Haute-Égypte ; mais sa vanité se flatta bientôt de l’espoir d’établir une nouvelle religion ; la réputation d’un prophète ne lui suffisait pas, et il se qualifiait d’image visible du Très-Haut, qui, après neuf apparitions sur la terre, se montrait enfin dans sa personne royale.

  1. Voyez d’Herbelot (Bibl. orient., p. 411), Renaudot (Hist. patriar. Alex., p. 390-397, 400, 411), Elmacin (Hist. Saracen., p. 321-323), et Marei (p. 384-386), historien d’Égypte, traduit d’arabe en allemand par Reiske, et qu’un de mes amis m’a interprété verbalement.