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Roum se trouvait à cent milles de Constantinople, et la divinité de Jésus-Christ était reniée et insultée dans le même temple où le premier concile général des catholiques l’avait déclarée une matière de foi : on prêchait dans les mosquées l’unité de Dieu et la mission de Mahomet ; les écoles enseignaient les sciences arabes, les cadis jugeaient d’après la loi du Koran ; les mœurs et l’idiome des Turcs prévalaient dans les villes, et les camps des Turcomans étaient répandus sur les plaines et les montagnes de l’Anatolie. Les Grecs chrétiens obtinrent l’exercice de leur religion, sous la dure condition de payer un tribut, et de vivre asservis aux Turcs ; mais on profana leurs églises les plus révérées, on insulta leurs prêtres et leurs évêques[1] ; ils se virent contraints de souffrir et le triomphe des païens et l’apostasie de leurs frères ; des milliers d’enfans furent circoncis, et des milliers de captifs furent dévoués au service ou aux plaisirs de leurs maîtres[2]. Après la perte de l’Asie, An-

  1. Dicit eos quemdam abusione Sodomiticâ intervertisse episcopum (Guibert, Abbat., Hist. Hierosol., l. I, p. 468). Il est singulier que le même peuple fournisse de nos jours un second passage pareil à celui-ci. « Il n’est point d’horreurs que ces Turcs n’aient commises ; et semblables aux soldats effrénés qui, dans le sac d’une ville, non contens de disposer de tout à leur gré, prétendent encore aux succès les moins désirables, quelques sipahis ont porté leurs attentats sur la personne du vieux rabbi de la synagogue et celle de l’archevêque grec. » (Mémoires du baron de Tott, t. II, p. 193.)
  2. L’empereur ou l’abbé Guibert décrit les scènes du