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l’autoriser à fuir ses persécuteurs et à satisfaire sa vengeance. Cinq mille de ses frères prirent les armes par les mêmes motifs ; ils abjurèrent toute espèce de soumission envers Rome, l’anti-chrétienne : un émir sarrasin présenta Carbeas au calife, et le commandeur des fidèles étendit son sceptre favorable sur l’implacable ennemi des Grecs. [Ils fortifient Téphrice.]Il bâtit ou fortifia dans les montagnes situées entre Siwas et Trébisonde la ville de Téphrice[1], qu’occupe encore aujourd’hui un peuple farouche et sans lois ; et les collines des environs furent couvertes de pauliciens fugitifs qui crurent alors pouvoir concilier l’usage des armes avec les préceptes de l’Évangile. L’Asie fut accablée plus de trente ans des malheurs de la guerre étrangère et de ceux de la guerre intérieure : les disciples de saint Paul se réunirent dans leurs incursions à ceux de Mahomet, et les paisibles chrétiens, les vieillards et les jeunes filles qui se virent jeter dans une cruelle servitude, durent en accuser l’esprit intolérant de leurs souverains. Le mal devint bientôt si pressant et la honte si visible, que le fils de Théodora, le débauché Michel lui-même, se crut obligé de marcher en personne contre les pauliciens ; il fut battu sous les murs de Samosate, et l’empereur

  1. Otter (Voyages en Turquie et en Perse, t. II), selon toute apparence, c’est le seul Franc qui soit allé dans le pays des Barbares indépendans, de Téphrice, aujourd’hui Divrigni ; il fut assez heureux pour s’échapper de chez eux à la suite d’un officier turc.