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Romanus essaya de rallier et de sauver les restes de ses troupes. Voyant le centre où il se trouvait, ouvert de tous côtés, et environné par les Turcs triomphans, il se battit jusqu’à la fin du jour avec le courage du désespoir, et à la tête des braves guerriers qui demeurèrent fidèles à son drapeau. Ils tombèrent tous autour de lui ; son cheval fut tué ; il fut blessé lui-même ; seul et intrépide, il se défendit jusqu’à ce que, pressé par le nombre, il perdit la liberté de ses mouvemens. Un esclave et un soldat se disputèrent la gloire de cette illustre prise ; l’esclave l’avait vu sur le trône de Constantinople, et le soldat, d’une figure très-difforme, n’avait été admis dans les troupes que sur la promesse de faire des actions de valeur. Romanus, dépouillé de ses armes, de ses pierreries et de sa pourpre, passa la nuit sur le champ de bataille, seul et exposé aux plus grands dangers, au milieu de la foule des derniers soldats. À la pointe du jour, on le présenta à Alp-Arslan, qui douta de sa fortune jusqu’à ce que ses ambassadeurs eussent reconnu Romanus, et que leur témoignage eût été confirmé par la douleur de Basilacius, qui baisa en pleurant les pieds de son malheureux souverain. Le successeur de Constantin, vêtu comme un homme du peuple, fut mené au divan, et on lui ordonna de baiser la terre devant le maître de l’Asie. Il obéit avec répugnance : on dit qu’alors le sultan s’élança de son trône, et qu’il posa son pied sur le cou[1] de l’empereur

  1. Nicéphore et Zonare omettent sagement ce fait, qui