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versa le géant de l’hérésie. Cet apostat, qui se nommait Justus, trompa une seconde fois et livra ses frères sans défiance. L’envoyé de l’empereur présenta bientôt une nouvelle conformité avec les actes de saint Paul ; ainsi que cet apôtre, il embrassa la doctrine dont il s’était déclaré le persécuteur ; il renonça à ses dignités et à sa fortune, et il acquit, dans la secte des pauliciens, la gloire d’un missionnaire et d’un martyr. Ils n’ambitionnaient pas la couronne du martyre[1] ; mais, pendant un siècle et demi de souffrances, ils supportèrent patiemment tout ce que put imaginer contre eux le zèle de leurs persécuteurs, et les efforts de la puissance ne purent venir à bout d’extirper les indomptables germes du fanatisme et de la raison. Des prédicans et des congrégations sortirent, à diverses reprises, du sang et des cendres des premières victimes. Au milieu des hostilités qu’ils souffraient au dehors, ils trouvèrent du loisir pour se livrer à des querelles domestiques ; ils prêchèrent, ils disputèrent, ils souffrirent, et les historiens catholiques confessent malgré eux les vertus, sans doute apparentes, que déploya Sergius dans une carrière de trente-trois ans[2]. La cruauté naturelle de Justinien II fut ai-

  1. Il paraîtrait que les pauliciens se permirent quelques équivoques et des restrictions mentales, jusqu’au moment où les catholiques trouvèrent enfin par quelles questions ils pouvaient les réduire à l’alternative de l’apostasie ou du martyre. (Pierre le Sicilien, p. 760).
  2. Pierre le Sicilien (p. 579-763) raconte cette persécu-