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armure, ne pouvaient résister à la pesanteur de leurs énormes sabres, qu’ils faisaient tomber à deux mains sur l’ennemi. Ils se défendaient avec opiniâtreté, lorsque la cavalerie, qui revenait de la poursuite, les environna, et ils moururent dans leurs rangs avec l’estime de l’ennemi et le plaisir de s’être vengés. Le pape prit la fuite et trouva les portes de Civitella fermées ; il fut pris par ses pieux vainqueurs, qui, baisant ses pieds, lui demandèrent sa bénédiction et l’absolution de leur coupable victoire. Dans cet ennemi captif, les soldats ne voyaient que le vicaire de Jésus-Christ : et bien que ces marques de respect puissent de la part des chefs être attribuées à la politique, il y a tout lieu de croire qu’ils partageaient les superstitions du peuple. Dans le calme de la retraite, le pontife, dont les intentions avaient été bonnes, regretta l’effusion du sang humain verse à son occasion ; il sentit qu’il avait été une cause de péchés et de scandales, et comme son entreprise n’avait pas réussi, il voyait le blâme général s’attacher à l’inconvenance de sa conduite[1]. Dans ces dispositions, il ne se refusa point au traité avantageux

  1. M. de Saint-Marc (t. II, p. 200-204) allègue les plaintes ou les censures que formèrent alors, de la conduite du pape, plusieurs personnages respectables. Comme Pierre Damien, l’oracle de ce temps, avait refusé aux papes le droit de faire la guerre, le cardinal Baronius (Annal. eccles., A. D. 1053, nos 10-17) remet l’ermite à sa place (Lugens eremi incola), et soutient avec chaleur les prérogatives des deux glaives de saint Pierre.