Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 11.djvu/120

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de l’Italie et de la Terre-Sainte. Cette active dévotion augmentait, par l’exercice, les forces de leur âme et de leur corps ; le danger leur servit d’aiguillon, et les plaisirs de la nouveauté étaient leur récompense ; l’étonnement, la crédulité et l’espérance, embellissaient à leurs yeux la scène du monde. Ils se liguaient pour leur défense mutuelle, et les voleurs des Alpes, qu’attirait l’habit d’un pèlerin, étaient châtiés souvent par le bras d’un guerrier. Dans un de ces pieux voyages à la caverne du Garganus, montagne de la Pouille, sanctifiée par une apparition de l’archange saint Michel[1], ils furent accostés par un étranger en habit grec, et qui se découvrit bientôt à eux pour un rebelle fugitif et ennemi mortel de l’empire de Byzance. Son nom était Melo, noble de Bari : après une révolte dans laquelle il avait échoué, il s’était vu forcé de fuir et de chercher à son pays d’autres alliés et d’autres vengeurs. Le maintien audacieux des Normands ranima son espoir et détermina sa confiance[2] : ils écoutèrent ses plaintes et surtout

  1. Voyez Léandre Alberti (Descrizione d’Italia, p. 250) et Baronius (A. D. 493, no 43). Si l’archange se trouvait avoir hérité du temple de l’oracle comme on peut le présumer de la caverne de Calchas, l’ancien diseur de bonne aventure (Strabon, Geogr., l. VI, p. 435, 436), les catholiques dans cette occasion avaient surpassé les Grecs par l’élégance de leur superstition.
  2. Les Normands étaient déjà connus en Italie pour leur valeur ; quelques années auparavant, cinquante de leurs