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Quelle que soit à cet égard l’opinion vulgaire, il est certain qu’il ouvre aux deux sexes les portes du ciel ; mais il n’a pas voulu s’expliquer sur les hommes qu’y trouveraient les femmes, dans la crainte d’alarmer la jalousie de leurs premiers maris, ou de troubler leur bonheur en leur faisant imaginer que leur mariage serait peut-être éternel. Ce tableau d’un paradis sensuel a excité l’indignation et peut-être l’envie des moines ; l’impure religion de Mahomet est l’objet de leurs déclamations, et la pudeur de quelques apologistes du Koran est réduite à la misérable ressource des figures et des allégories ; mais les docteurs les plus habiles et les plus conséquens, adoptent sans rougir l’interprétation littérale du Koran : la résurrection du corps serait en effet inutile, si on ne lui rendait pas l’exercice de ses facultés les plus précieuses, et la réunion des plaisirs des sens et des plaisirs intellectuels est nécessaire pour achever le bonheur de l’homme, composé de deux substances. Au reste, les joies du paradis de Mahomet ne se borneront pas aux plaisirs du luxe et à la satisfaction des appétits sensuels ; le prophète déclare d’une manière expresse que les saints et les martyrs admis à la béatitude de la vision divine, oublieront et dédaigneront toutes les espèces d’un degré inférieur.[1]

  1. Voyez sur le jour du jugement, sur l’enfer, le paradis, etc., le Koran (c. 2, v. 25 ; c. 56, 78, etc.), avec la réfutation virulente, mais remplie de savoir, de Maracci (dans ses Notes et dans le Prodromus, part. IV, p. 78, 120, 122, etc.), d’Herbelot (Bibl. orient., p. 368-375), Reland