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matière ni soupçon ni équivoque. Le prophète de la Mecque rejeta le culte des idoles et des hommes, des étoiles et des planètes, sur ce principe raisonnable que tout ce qui se lève doit se coucher, que tout ce qui reçoit le jour doit mourir, et que tout ce qui est corruptible doit se gâter et se dissoudre[1]. Son enthousiasme, dirigé par la raison, adorait dans le Créateur de l’univers un Être éternel et infini qui n’a point de forme et qui n’occupe point d’espace ; qui n’a rien engendré et auquel rien ne ressemble ; qui assiste à nos pensées les plus secrètes, qui existe par la nécessité de sa nature, et qui tire de lui-même toutes ses perfections morales et intellectuelles. Les disciples du prophète adhèrent avec constance à ces grandes vérités[2], et les interprètes du Koran les expliquent avec toute la précision des métaphysiciens. Un philosophe théiste pourrait signer le symbole populaire des musulmans[3], symbole trop sublime peut-être pour les

  1. Ce système d’idées se développe philosophiquement dans l’exemple d’Abraham, qui dans la Chaldée s’opposa à la première introduction de l’idolâtrie (Koran, c. 6, p. 106 ; d’Herbelot, Bibl. orient., p. 13).
  2. Voyez le Koran, et surtout les chapitres 3 (p. 30), 57 (p. 437), 58 (p. 440), qui annoncent la toute-puissance du Créateur.
  3. Pococke (Specimen, p. 274, 284-292), Ockley (Hist. of the Saracens, v. 2, p. 82-95), Reland (De relig. Mohamm., l. I, p. 7-13) et Chardin (Voyages en Perse, t. IV, p. 4-28) traduisent les symboles les plus orthodoxes de l’islamisme. À cette grande vérité, qu’il n’existe rien de semblable à