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saient dans le sol fertile de l’Arabie, accordaient à la vierge Marie le nom et les honneurs d’une déesse[1]. Les mystères de la Trinité et de l’Incarnation semblent contredire le principe de l’unité divine. L’idée qu’ils présentent naturellement est celle de trois divinités égales et de la transformation de l’homme Jésus en la substance du fils de Dieu[2]. L’explication des orthodoxes ne satisfait qu’un croyant ; une curiosité et un zèle immodérés avaient déchiré le voile du sanctuaire, et chacune des sectes de l’Orient s’empressait d’avouer que toutes les autres méritaient le reproche d’idolâtrie et de polythéisme. Le symbole de Mahomet n’offre sur cette

  1. Hottinger, Hist. orient., p. 225-228. L’hérésie des collyridiens fut apportée de Thrace en Arabie par quelques femmes, et leur nom vient du Κολλυρις ou gâteau qu’elles offraient à la déesse. Cet exemple, celui de Berylle, évêque de Bostra (Eusèbe, Hist. ecclés., l. VI, c. 33), et plusieurs autres, peuvent excuser ce reproche, Arabia hæreseon ferax.
  2. Lorsque le Koran parle de trois dieux (c. 4, p. 81 ; c. 5, p. 92), il est clair que Mahomet faisait allusion à notre mystère de la Trinité ; mais les commentateurs arabes ne voient dans ces passages que le père, le fils et la vierge Marie, Trinité hérétique que quelques Barbares soutinrent, dit-on, au concile de Nicée (Eutych., Annal., t. I, p. 440). Mais l’existence des marianites est contestée par le sincère Beausobre (Hist. du Manichéisme, t. I, p. 532) : et pour expliquer la méprise, il dit qu’elle vient du mot rouah (le Saint-Esprit), qui est du genre féminin dans quelques idiomes de l’Orient, et qui est au figuré la mère de Jésus-Christ dans l’Évangile des nazaréens.