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hérité de l’énergie qui a créé et amélioré ce patrimoine sacré ; ils lisaient, ils louaient, ils compilaient ; mais leur âme accablée de langueur paraissait hors d’état de penser et d’agir. Un intervalle de dix siècles n’offre pas une découverte qui ait augmenté la dignité de l’homme ou contribué à son bonheur : on n’ajouta pas une seule idée aux systèmes spéculatifs des anciens : des disciples patiens se succédaient les uns aux autres pour instruire dogmatiquement à leur tour une génération non moins servile. Il ne s’est pas trouvé un seul morceau d’histoire, de philosophie ou de littérature qui, par la beauté du style ou des mouvemens, par l’originalité ou même une heureuse imitation, ait mérité d’échapper à l’oubli. Ceux des prosateurs de Byzance qu’on lit avec le moins de peine sont ceux dont la simplicité nue et sans prétention ne permet pas de les soumettre à la censure ; mais ceux des orateurs qui se croyaient les plus éloquens[1], sont les plus éloignés des modèles avec lesquels ils cherchaient à rivaliser. Notre goût et notre raison sont blessés à chaque page par un choix de mots gigantesques et tombés en désuétude, par des tournures de phrases lourdes et embrouillées, par l’incohérence des images, une recherche puérile d’ornemens faux ou hors de propos, et les

  1. Ducange, pour critiquer le goût des auteurs de Byzance (Præf. Gloss. græc., p. 17), accumule les autorités d’Aulu-Gelle, de Jérôme Petronius, de George Hamartolus et de Longin, qui donnaient à la fois le précepte et l’exemple.