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voyaient contraints de revêtir le caractère de princes et de guerriers. Ils se fiaient hardiment à leur courage et à leur politique pour défendre leur famille, protéger leurs terres et venger leurs injures ; et semblables aux conquérans d’un ordre supérieur, ils n’avaient que trop de disposition à outrepasser les droits de la défense personnelle. La présence du danger et l’indispensable nécessité du courage endurcissaient leur esprit et leur corps ; c’était par une suite du même caractère qu’ils refusaient d’abandonner un ami et de pardonner à un ennemi ; au lieu de dormir sous la garde du magistrat, ils récusaient fièrement l’autorité des lois. À cette époque de l’anarchie féodale, les outils de la culture et des arts furent convertis en instrumens de mort ; les paisibles travaux de la société civile et de la société ecclésiastique s’anéantirent ou se dépravèrent ; et l’évêque, en changeant sa mitre contre un casque, était plus entraîné par les mœurs de son siècle que par les devoirs que lui imposait son fief[1].

Leur caractère et leur tactique.

Les Francs s’enorgueillissaient de leur amour pour

  1. On peut consulter utilement sur ce point de discipline ecclésiastique et bénéficiaire, le père Thomassin (t. III, l. I, c. 40, 45, 46, 47). Une loi de Charlemagne affranchissait les évêques du service personnel ; mais l’usage contraire, qui a prévalu du neuvième au quinzième siècle, est confirmé par l’exemple ou le silence des saints et des docteurs… « Vous justifiez votre lâcheté par les saints canons, disait Ratherius de Vérone ; mais les canons vous défendent aussi l’incontinence, et cependant… »