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ne pouvaient se trouver à une bataille, et ce contraste d’une lâche superstition et d’un fanatisme courageux explique aux yeux du philosophe l’histoire des deux nations rivales. Les sujets des derniers califes[1] n’avaient plus sans doute le zèle et la foi des compagnons du prophète ; mais leurs dogmes guerriers regardaient toujours la Divinité comme le mobile de la guerre[2]. L’étincelle du fanatisme brûlait toujours dans le sein de leur religion, et allumait souvent la flamme la plus active parmi les Sarrasins établis sur les frontières des chrétiens. Leurs troupes régulières étaient composées de ces vaillans esclaves élevés à garder la personne et à suivre le drapeau de leur maître ; mais aux premiers sons de la trompette qui annonçait une sainte guerre contre les infidèles, on voyait s’éveiller le peuple musulman de la Syrie et de la Cilicie, de l’Afrique et de l’Espagne. Les riches désiraient de vaincre ou de mourir dans la cause de Dieu ; l’espoir du butin attirait les pauvres ; et les vieillards, les infirmes et

  1. Le dix-huitième chapitre, qui traite de la tactique des différentes nations, est le plus historique et le plus utile de tout l’ouvrage de Léon. L’empereur romain n’avait que trop d’occasions d’étudier les mœurs et les armes des Sarrasins (Tactique, p. 809-817, et un fragment d’un manuscrit de la Bibliothéque des Médicis, qui se trouve dans la préface du sixième volume de Meursius).
  2. Παντος δε και κακο‌υ εργο‌υ τον Θεον αιτιον υπο τιθενται και πολεμοις χαιρειν λεγο‌υσι τον Θεον τον διασκορπιζοντα εθνη τα το‌υς πολεμο‌υς θελοντα (Léon, Tactique, p. 809.)