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de Bassora furent prises et saccagées ; la consternation régnait à Bagdad, et le calife tremblait derrière les voiles de son palais. Abu-Taher fit une incursion au-delà du Tigre, et arriva jusqu’aux portes de la capitale, n’ayant que cinq cents chevaux à sa suite. Moctader avait ordonné qu’on brisât les ponts, et le calife attendait à chaque moment la personne ou la tête du rebelle. Son lieutenant, soit crainte, soit pitié, instruisit Abu-Taher de son danger, et lui recommanda de s’enfuir à la hâte : « Votre maître, dit au messager l’intrépide Carmathien, est à la tête de trente mille soldats ; il n’a pas dans son armée trois hommes comme ceux-ci. » Se tournant en même temps vers trois de ses compagnons, il ordonna au premier de se plonger un poignard dans le sein, au second, de se précipiter dans le Tigre, et au troisième, de se jeter dans un précipice. Ils obéirent sans murmurer : « Racontez ce que vous avez vu, ajouta l’iman ; avant la nuit, votre général sera enchaîné parmi mes chiens. » Avant la nuit, en effet, le camp fut surpris et la menace exécutée. Les rapines des Carmathiens étaient sanctifiées par l’aversion que leur inspirait le culte de la Mecque ; ils dépouillèrent une caravane de pèlerins, et vingt mille dévots musulmans furent abandonnés au milieu des sables brûlans du désert pour y périr de faim et de soif. Une autre année, ils laissèrent les pèlerins continuer leur marche sans interruption ; [Ils pillent la Mecque. A. D. 929.]mais au milieu des solennités que célébrait la piété des fidèles, Abu-Taher prit d’assaut la cité sainte et foula aux pieds