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fanatisme avait diminué, et les troupes du calife, devenues mercenaires, se recrutèrent dans le nord, où se trouve la valeur naturelle, production vigoureuse et spontanée de ces climats. On prenait à la guerre ou l’on achetait des Turcs[1] qui vivaient au-delà de l’Oxus et du Jaxarte, de robustes jeunes gens qu’on élevait dans l’art des combats et dans la foi musulmane. Ces Turcs, devenus les gardes du calife, environnaient le trône de leur bienfaiteur, et leurs chefs usurpèrent bientôt l’empire du palais et des provinces. Motassem donna le premier ce dangereux exemple ; il appela plus de cinquante mille Turcs dans la capitale : leur licence excita l’indignation publique, et les querelles des soldats et du peuple déterminèrent le calife à s’éloigner de Bagdad, et à établir sa résidence et le camp de ses Barbares favoris à Sumara, sur le Tigre, à environ douze lieues au-dessus de la cité de Paix[2]. Motawakkel, son fils, fut un tyran soupçonneux et

  1. M. de Guignes, qui franchit quelquefois le gouffre qui se trouve entre l’histoire des Chinois et celle des musulmans, et qui d’autres fois s’y laisse tomber, croit apercevoir que ces Turcs sont les Hoei-ke, autrement dits les Kao-tche ou les grands Chariots ; qu’ils se trouvaient répandus de la Chine et la Sibérie jusqu’aux domaines des califes et des Samanides, et qu’ils formaient quinze hordes, etc. (Hist. des Huns, t. III, p. 1-33, 124-131.)
  2. Il changea l’ancien nom de Sumere ou Sumara en celui de Ser-men-raï, ville qui plaît au premier coup d’œil. (d’Herbelot, Bibl. orient., p. 808 ; d’Anville, l’Euphrate et le Tigre, p. 97, 98).