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sur le champ de bataille ; ceux qui échappaient à la mort étaient réservés à un esclavage sans espoir ou bien à d’affreuses tortures ; et un empereur catholique raconte avec joie l’exécution des Sarrasins de la Crète, qu’on écorcha vifs ou qu’on plongea dans des chaudières d’huile bouillante[1]. Motassem avait sacrifié au point d’honneur une ville florissante, deux cent mille hommes et plusieurs millions. Le même calife descendit de cheval, et salit sa robe pour secourir un vieillard décrépit qui était tombé avec son âne dans un fossé rempli de boue. À laquelle de ces deux actions songea-t-il avec le plus de plaisir lorsqu’il fut appelé par l’ange de la mort[2] ?

Désordres des gardes turcs. A. D. 841-870. etc.

Avec Motassem, le huitième des Abbassides, disparut la gloire de sa famille et de sa nation. Lorsque les vainqueurs arabes se furent répandus en Orient, lorsqu’ils se furent mêlés avec les troupes serviles de la Perse, de la Syrie et de l’Égypte, ils perdirent peu à peu l’énergie et les vertus guerrières du désert. Le courage des pays du midi est une production artificielle de la discipline et du préjugé. L’activité du

  1. Constantin Porphyrogenète, in vit. Basil., c. 61, p. 186. Il est vrai que ces Sarrasins, en qualité de pirates et de renégats, furent traités avec une rigueur particulière.
  2. Voyez sur Théophile, Motassem et la guerre d’Amorie, le continuateur de Théophane (l. III, p. 77-84), Genesius (l. III, p. 24-34), Cedrenus (p. 528-532), Elmacin (Hist. Saracen., p. 180), Abulpharage (Dyn., p. 165, 166), Abulféda (Annal. mosl., p. 191), d’Herbelot (Bibl. orient., p. 639, 640).