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pée ou du drame[1]. L’empire de la vérité et de la raison est toujours à peu près le même. Les philosophes d’Athènes et de Rome jouissaient de la liberté civile et de la liberté religieuse ; ils en soutenaient les droits avec courage. Leurs écrits sur la morale et la politique auraient relâché peu à peu les fers du despotisme oriental ; ils auraient répandu un esprit général de discussion et de tolérance : en les lisant, les sages Arabes auraient pensé que leur calife pouvait bien être un tyran, et leur prophète un imposteur[2]. L’instinct de la superstition fut alarmé même des sciences abstraites, et les docteurs de la loi les plus sévères condamnèrent l’imprudente et pernicieuse curiosité d’Almamon[3]. Il faut attribuer à la soif du martyre, aux visions sur le paradis, et au dogme de la prédestination, l’indomptable enthousiasme du prince et du peuple. L’épée des Sarrasins

  1. J’ai lu avec beaucoup de plaisir le Commentaire latin de sir William Jones sur la poésie asiatique (Londres, 1774, in-8o), que cet homme merveilleux, par ses connaissances sur les langues, publia dans sa jeunesse. Aujourd’hui que son goût et sa raison sont parvenus à toute leur maturité, il diminuerait peut-être quelque chose des éloges si chauds et même si exagérés qu’il donne à la littérature des Orientaux.
  2. On a accusé Averroès, un des philosophes arabes, de mépriser les religions des juifs, des chrétiens et des musulmans (Voyez son article dans le Dictionnaire de Bayle) : chacune de ces religions conviendrait que son mépris fut raisonnable, excepté en ce qui la concerne.
  3. D’Herbelot, Biblioth. orient., p. 546.