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du calife Merwan, le quatorzième et le dernier de la maison d’Ommiyah. Avant de monter sur le trône, il avait mérité par ses campagnes en Géorgie l’honorable surnom de l’âne de la Mésopotamie[1], et on aurait pu le compter parmi les plus grands princes, si les décrets éternels, dit Abulféda, n’avaient pas fixé cette époque pour la ruine de sa famille ; décret, ajouta-t-il, contre lequel toute la force et toute la sagesse des hommes lutteraient en vain. On comprit mal ou l’on viola les ordres de Merwan ; le retour de son cheval, que des besoins l’avaient obligé de quitter pour un moment, fit croire qu’il était mort ; et Abdallah, oncle de son compétiteur, sut diriger habilement l’enthousiasme des escadrons noirs. Après une défaite irréparable, le calife se sauva vers Mosul ; mais le drapeau des Abbassides flottait déjà sur le rempart ; alors il repassa le Tigre, jeta un regard de douleur sur son palais de Harran, traversa l’Euphrate, abandonna les fortifications de Damas, et sans s’arrêter dans la Palestine, prit son dernier camp à Busir, sur les rives du Nil[2]. Sa fuite

  1. Al-Hemar. Il avait été gouverneur de la Mésopotamie ; et un proverbe arabe donne des éloges au courage de ces ânes guerriers qui ne prennent jamais la fuite devant l’ennemi. Le surnom de Merwan peut justifier la comparaison d’Homère (Iliade, A. 557, etc.), et le surnom et la citation d’Homère doivent imposer silence aux modernes, qui regardent l’âne comme un emblème de stupidité et de bassesse (d’Herbelot, Bibl. orient., p. 558).
  2. Quatre villes de l’Égypte portent le nom de Busir ou