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vait sur une ligne perpendiculaire, mais qui brûlait avec la même force de côté et par en bas ; au lieu de l’éteindre, l’eau la nourrissait et lui donnait de l’activité ; le sable, l’urine et le vinaigre étaient les seuls moyens de calmer la fureur de cet agent redoutable, que les Grecs nommaient, avec raison, le feu liquide ou le feu maritime. On l’employait contre l’ennemi avec le même succès sur mer et sur terre, dans les batailles ou dans les siéges. On le versait du haut des remparts, à l’aide d’une grande chaudière ; on le jetait dans des boulets de pierre et de fer rougis, ou bien on le lançait sur des traits et des javelines couverts de lin et d’étoupes fortement imbibées d’huile inflammable ; d’autres fois on le déposait dans des brûlots destinés à porter dans un plus grand nombre d’endroits la flamme qui les dévorait ; plus communément on le faisait passer à travers de longs tubes de cuivre placés sur l’avant d’une galère, dont l’extrémité, figurant la bouche de quelque monstre sauvage, semblait vomir des torrens de feu liquide. Cet art important était soigneusement renfermé dans Constantinople, comme le palladium de l’état. Lorsque l’empereur prêtait ses galères et son artillerie à ses alliés de Rome, on n’avait garde de leur apprendre le secret du feu grégeois, et les terreurs des ennemis étaient augmentées et entretenues par leur ignorance et leur étonnement. L’un des empereurs[1] indique,

  1. Constant. Porphyrog., De administratione imperii, c. 13, p. 64, 65.