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L’important secret de cette composition terrible, et les moyens de la diriger, avaient été donnés par Callinicus, originaire d’Héliopolis en Syrie, qui avait abandonné le service du calife pour passer du côté de l’empereur[1]. Le talent d’un chimiste et d’un ingénieur se trouva équivaloir à des escadres et à des armées ; et cette découverte ou cette amélioration dans l’art de la guerre arriva heureusement à l’époque où les Romains dégénérés ne pouvaient lutter contre le fanatisme guerrier et la jeunesse vigoureuse des Sarrasins. L’historien qui voudra analyser cette extraordinaire composition doit se méfier de son ignorance et de celle des auteurs grecs, si portés au merveilleux, si négligens, et en cette occasion si jaloux de garder la découverte pour eux seuls. D’après les mots obscurs et peut-être trompeurs qu’ils laissent échapper, on est tenté de croire que le naphte[2] ou le bitume liquide, huile légère,

  1. Théophane l’appelle αρχιτεχτων (p. 295) ; Cedrenus (p. 437) fait venir cet artiste d’Héliopolis (des ruines d’Héliopolis) en Égypte ; et la chimie était en effet particulièrement cultivée chez les Égyptiens.
  2. C’est sur une faible autorité, mais d’après une vraisemblance très-forte, qu’on suppose que le naphte, l’oleum incendiarium de l’histoire de Jérusalem (Gest. Dei per Francos, p. 1167), la fontaine orientale de J. de Vitry (l. III, c. 84) entrait dans la composition du feu grégeois. Cinnamus (l. VI, p. 165) appelle le feu grégeois πυρ Μηδικον ; et l’on sait qu’il y a une grande quantité de naphte entre le Tigre et la mer Caspienne. Pline (Hist. nat., II, 109) dit que le naphte servit à la vengeance de Médée, et dans l’une