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de l’hégyre, la ville de Herat offrit un contraste frappant de fanatisme particulier et de tolérance publique[1]. La loi musulmane avait assuré la liberté civile et religieuse des guèbres de Herat, à condition qu’ils payeraient un tribut ; mais l’humble mosquée qu’avaient nouvellement élevée les musulmans se trouvait éclipsée par l’antique splendeur d’un temple du Feu joignant à l’édifice musulman. Un iman fanatique se plaignit, dans ses sermons, de ce scandaleux voisinage, et accusa les fidèles de faiblesse ou d’indifférence. Le peuple, excité par sa voix, se rassembla en tumulte ; la mosquée et le temple furent livrés aux flammes ; mais sur leur emplacement, on commença aussitôt une nouvelle mosquée. Les mages s’adressèrent au souverain du Khorasan pour obtenir réparation de l’injure qu’ils avaient soufferte ; il avait promis justice et satisfaction, quand (ce qu’on aura peine à croire) quatre mille citoyens de Herat, d’un caractère grave et d’un âge mûr, jurèrent d’une voix unanime que le temple du Feu n’avait jamais existé ; il n’y eut plus moyen de poursuivre les enquêtes, et la conscience des musulmans, dit l’historien Mirchond[2], ne se reprocha point ce parjure

  1. Cette histoire singulière est racontée par d’Herbelot (Bibl. orient., p. 448, 449), sur le témoignage de Khondemir, et par Mirchond lui-même (Hist. priorum regum persarum, etc., p. 9-18, not., p. 88, 89).
  2. Mirchond (Mohammed emir Khoondah Shah), originaire de Herat, composa en langue persane une Histoire générale de l’Orient, depuis la création jusqu’à l’année 875