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le petit canton de la Mauritanie ; mais Musa, qui dans l’orgueil de sa victoire avait attaqué Ceuta, fut repoussé par la vigilance et le courage du comte Julien, général des Goths. Il fut bientôt relevé de cette disgrâce et tiré de l’embarras où il se trouvait par un message inattendu du chef chrétien, qui offrait aux successeurs de Mahomet sa personne, son épée, la place qu’il commandait, et sollicitait le honteux honneur d’introduire les Arabes dans le cœur de l’Espagne[1]. Si nous cherchons le motif de sa trahison, les historiens espagnols répètent, d’après un conte populaire, que sa fille Gava[2] avait été

  1. Mariana décrit la chute et le rétablissement de la monarchie des Goths (t. I, p. 238-260, l. VI, c. 19-26 ; l. VII, c. 1, 2). Le style de cet historien dans ce noble ouvrage (Historia de rebus Hispani, liv. XXX, La Haye, 1733, 4 vol. in-folio, avec la continuation de Miniana) a presque le mérite et l’énergie des auteurs romains classiques ; et depuis le douzième siècle on peut compter sur ses lumières et son jugement. Mais ce jésuite ne s’était pas affranchi des préjugés de son ordre ; ainsi que Buchanan son rival, il adopte et embellit les légendes nationales les plus absurdes. Il néglige trop la critique et la chronologie, et supplée par sa brillante imagination aux lacunes des monumens historiques. Ces lacunes sont considérables et très-multipliées ; Roderic de Tolède, le premier des historiens espagnols, vivait cinq siècles après la conquête des Arabes ; et ce qu’on sait des temps antérieurs se trouve compris dans quelques lignes très-sèches des obscures Annales ou Chroniques d’Isidore de Badajoz (Pacensis) et d’Alphonse III, roi de Léon, que je n’ai trouvées que dans les Annales de Pagi.
  2. Le viol, dit Voltaire, est aussi difficile à faire qu’à