Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 10.djvu/299

Cette page a été validée par deux contributeurs.

du monarque espagnol une nombreuse troupe de Goths[1]. Ses navires brisèrent la chaîne qui gardait l’entrée du port ; les Arabes se retirèrent à Cairoan ou à Tripoli ; les chrétiens firent leur débarquement ; les citoyens saluèrent la bannière de la croix, et l’hiver fut inutilement employé à s’entretenir dans de vaines chimères de victoires ou de délivrance ; mais l’Afrique était perdue pour jamais. Animé par son zèle et son ressentiment, le commandeur des fidèles[2] prépara, tant sur mer que sur terre, pour la campagne suivante, un armement plus considérable que le premier, et Jean se vit contraint d’évacuer le poste et les fortifications de Carthage. Il y eut une seconde bataille aux environs d’Utique ; les Grecs et les Goths furent encore défaits,

  1. Dove s’erano ridotti I nobili Romani e i GOTTI ; et ensuite, i Romani fuggirono e I Gotti lasciarono Carthagine (Léon l’Africain, fol. 72, recto). J’ignore de quel écrivain arabe il a tiré ce fait relatif aux Goths ; mais ce détail nouveau est si intéressant et si vraisemblable, que je l’adopterais sur la plus mince autorité.
  2. Ce commandeur est appelé par Nicéphore Βασιλευσ Σαρακηνων, définition un peu vague, mais assez exacte des fonctions de calife. Théophane emploie l’étrange dénomination de Προτοσυμβολος, que Goar, son interprète, applique au vizir Azem. C’est peut-être avec vérité qu’ils attribuaient le rôle actif au ministre plutôt qu’au prince ; mais ils ont oublié que les califes Ommiades n’avaient qu’un kateb ou secrétaire, et que la dignité de vizir ne fut rétablie ou instituée que la cent trente-deuxième année de l’hégyre (d’Herbelot, p. 912).