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des montagnes voisines, aurait pu fournir à un peuple plus valeureux des instrumens nécessaires à sa défense. Les Grecs et les Arabes se sont plûs à embellir de leurs fables la situation lointaine et l’antique origine de Tingi ou Tangier ; mais lorsque les derniers nous parlent de ses murs d’airain, de l’or et de l’argent qui couvraient les faîtes de ses édifices, il ne faut voir dans ce langage figuré que des emblèmes de la force et de la richesse. Les Romains n’avaient reconnu et décrit que d’une manière imparfaite la province de la Mauritanie Tingitane[1], ainsi nommée du nom de sa capitale ; ils y avaient établi cinq colonies ; mais elles n’occupaient qu’une petite partie du pays, et excepté les agens du luxe qui parcouraient les forêts pour y chercher l’ivoire et le bois de citronnier[2],

  1. Regio ignobilis, et vix quicquam illustre sortita, parvis oppidis habitatur, parva flumina emittit, solo quam viris melior et segnitie gentis obscura. (Pomponius-Mela, I, 5 ; III, 10.) Mela inspire d’autant plus de confiance, que ses ancêtres, originaires de la Phénicie, avaient abandonné la Tingitane pour s’établir en Espagne. (Voyez in II, 6, un passage de ce géographe, si cruellement torturé par Saumaise, Isaac Vossius et Jacques Gronovius, le plus virulent des critiques.) Il vivait à l’époque où ce pays fut entièrement subjugué par l’empereur Claude ; cependant trente années après, Pline (Hist. nat., V, 1) se plaint de ces auteurs trop paresseux pour faire des recherches sur cette province sauvage et éloignée, et trop orgueilleux pour avouer leur ignorance.
  2. Les hommes avaient à Rome la folie du bois de citronnier, comme les femmes celle des perles. Une table