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tus et découragés, qui s’embarquèrent pour Constantinople, et le drapeau de Mahomet flotta sur les murs de la capitale de l’Égypte. « J’ai pris la grande ville de l’Occident, écrivait Amrou au calife, et il n’est pas possible de faire l’énumération des richesses et des beautés qu’elle contient. Je me contenterai d’observer qu’elle renferme quatre mille palais, quatre mille bains, quatre cents théâtres ou lieux d’amusement, douze mille boutiques de comestibles, et quarante mille Juifs tributaires. La ville a été subjuguée par la force des armes, sans traité ni capitulation, et les musulmans sont impatiens de jouir des fruits de leur victoire[1]. » Le calife rejeta avec fermeté toute idée de pillage, et ordonna à son lieutenant de réserver la richesse et le revenu d’Alexandrie pour le service public et la propagation de la foi : on compta le nombre des habitans, on les assujettit à un tribut ; on asservit le fanatisme et le ressentiment des jacobites ; et les melchites qui se soumirent au joug des Arabes, obtinrent un exercice obscur, mais tranquille de leur culte. La nouvelle de ce honteux et funeste événement vint se joindre aux maux de l’empereur, dont la santé déclinait de jour en jour, et il mourut d’une hydropisie environ sept semaines après la perte d’Alexandrie[2]. Sous la

  1. Eutychius, Annal., t. II, p. 316-319.
  2. Malgré quelques contradictions entre Théophane et Cedrenus, l’exact Pagi (Critica, t. II, p. 824) a tiré de Nicéphore et de la Chronique orientale la vraie date de la mort d’Héraclius : il termina sa carrière le 11 février,