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leur patrimoine à la communion des jacobites, qui jouirent sans modération de cet instant de triomphe et de vengeance. Benjamin, leur patriarche, sortit de son désert d’après les sollicitations pressantes d’Amrou ; et à la suite d’un entretien avec lui, l’obligeant Amrou se plut à déclarer qu’il n’avait jamais rencontré aucun prêtre chrétien de mœurs plus pures, d’un esprit plus vénérable[1]. Le lieutenant d’Omar se rendit de Memphis à Alexandrie ; et durant cette marche il compta si fort sur l’affection et la reconnaissance des Égyptiens, qu’il ne prit aucune précaution pour sa sûreté : à son approche on réparait les chemins et les ponts, et sur toute la route on s’empressa de lui fournir des vivres et de l’instruire de ce qui se passait. La défection fut universelle, et les Grecs d’Égypte, qui égalaient à peine la dixième partie des naturels, furent hors d’état d’opposer la moindre résistance ; on les avait toujours détestés, et on ne les craignait plus : le magistrat n’osait plus paraître sur son tribunal ; l’évêque n’osait plus se montrer à l’autel, et les garnisons éloignées furent surprises ou affamées par les gens du pays. Si le Nil n’eût pas donné une communication facile et prompte avec la mer, il ne se serait sauvé aucun de ceux qui, par leur naissance, leur langage,

  1. Voyez la Vie de Benjamin dans Renaudot (Hist. patr. Alexand., p. 156-172), qui a enrichi l’histoire de la conquête de l’Égypte de quelques faits tirés du texte arabe de Severus, historien jacobite.