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et de tout leur enthousiasme pour résister aux forces de l’empereur, à qui des pertes multipliées faisaient assez connaître que les pirates du désert voulaient conquérir régulièrement et garder la Syrie, et qu’en peu de temps ils viendraient à bout de leur projet. Quatre-vingt mille soldats des provinces de l’Europe et de l’Asie furent conduits par mer et par terre à Antioche et à Césarée : soixante mille Arabes chrétiens de la tribu de Gassan formaient les troupes légères de cette armée : ils marchaient en avant sous le drapeau de Jabalah, le dernier de leurs princes ; et les Grecs avaient pour maxime : que c’était au moyen du diamant qu’on parvenait le mieux à couper le diamant. Héraclius n’exposa point sa personne aux dangers de cette guerre ; mais dans sa présomption ou peut-être par un effet de découragement, il ordonna expressément qu’on décidât dans une seule bataille le sort de la province et celui de la guerre. Les habitans de la Syrie défendaient la cause de Rome et celle du Christ ; le noble, le citoyen et le paysan, furent également irrités de l’injustice et de la cruauté d’une armée licencieuse qui les opprimait comme des sujets et les méprisait comme des étrangers[1]. Les Sarrasins campaient sous les murs d’Emèse lorsqu’ils furent instruits de

  1. J’ai lu dans Tacite ou dans Grotius ce passage : Subjectos habent tanquam suos, viles tanquam alienos. Quelques officiers grecs enlevèrent la femme et assassinèrent l’enfant du Syrien qui les logeait ; et lorsqu’il osa porter ses plaintes, Manuel ne fit que sourire.