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époque, visiter la cellule d’un saint ermite, et que la noce de la fille du gouverneur de Tripoli devait embellir cette fête du commerce et de la superstition. Abdallah, fils de Jaafar, saint et glorieux martyr, se chargea, à la tête de cinq cents chevaux, de l’utile et pieuse mission de dépouiller les infidèles. En approchant de la foire d’Abyla, il apprit avec inquiétude que les Juifs et les chrétiens, les Grecs et les Arméniens, les naturels de la Syrie et les habitans de l’Égypte, y formaient une troupe de dix mille hommes, et que la jeune mariée avait une escorte de cinq mille cavaliers. Les Sarrasins s’arrêtèrent. « Quant à moi, dit Abdallah, je n’ose pas retourner en arrière ; nos ennemis sont nombreux, nous courons de grands dangers ; mais le prix que nous obtiendrons, soit en ce monde, soit dans l’autre, est éclatant et sûr ; que chacun, selon son inclination, avance ou se retire. » Aucun des musulmans ne se retira. « Conduisez-nous, dit Abdallah au chrétien qui lui servait de guide, et vous verrez ce que peuvent faire les compagnons du prophète. » Ses soldats chargèrent en cinq pelotons ; mais après les premiers momens du succès que leur donna cette attaque imprévue, ils furent environnés et presque accablés par les ennemis supérieurs en nombre ; et on a comparé leur brave troupe au point blanc qu’on aperçoit sur la peau d’un chameau noir[1].

  1. Je suis plus hardi que Ockley (vol. I, p. 164), qui n’ose pas insérer cette comparaison dans le texte, quoiqu’il