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roès, avouaient que jamais troupe plus formidable n’avait frappé leurs regards. L’adroit Sarrasin tira de la supériorité de l’ennemi un moyen pour échauffer encore la valeur de ses soldats. « Vous voyez devant vous, leur dit-il, les forces réunies des Romains. Il ne vous reste aucun espoir de leur échapper ; mais vous pouvez conquérir la Syrie en un seul jour. L’événement dépend de votre discipline et de votre patience. Réservez vos forces pour ce soir. C’est le soir que le prophète remportait ses victoires. » L’ennemi livra successivement deux attaques, durant lesquelles Caled soutint avec calme et fermeté les dards des Romains et les murmures de son armée. Enfin, lorsqu’il vit les forces et les carquois de ses ennemis presque entièrement épuisés, il donna le signal de la charge et de la victoire. Les débris de l’armée de l’empereur s’enfuirent à Antioche, à Césarée ou à Damas, et les musulmans se consolèrent d’avoir perdu quatre cent soixante-dix hommes, en songeant qu’ils avaient envoyé aux enfers plus de cinquante mille infidèles. Il serait difficile d’apprécier le butin de cette journée ; les Sarrasins s’emparèrent d’un grand nombre de bannières, de croix et de chaînes d’or et d’argent, de pierres précieuses, et d’une multitude innombrable d’armures et de vêtemens d’un grand prix. Le partage général fut différé jusqu’à l’époque de la prise de Damas ; mais les armes furent un utile secours et devinrent de nouveaux instrumens de victoire. Ces glorieuses nouvelles furent transmises au calife, et les tribus arabes qui se