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lestine. La vie d’un Arabe errant est une vie de danger et de misère, et quoiqu’il se procure quelquefois, par des vols ou des échanges, les fruits de l’industrie, le luxe d’un simple particulier en Europe lui fournit des jouissances beaucoup plus solides et plus agréables que celles où peut atteindre le plus fier émir, fort d’une armée de dix mille chevaux.

Villes de l’Arabie.

Cependant on remarque une différence essentielle entre les hordes de la Scythie et les tribus arabes ; plusieurs de ces dernières ont été rassemblées dans des bourgades et adonnées au commerce et à l’agriculture. Elles employaient une partie de leur temps et de leur industrie aux soins de leur bétail ; soit durant la guerre, soit durant la paix, elles se mêlaient avec leurs frères du désert ; ces utiles rapports procurèrent aux Bédouins quelques moyens de subvenir à leurs besoins, et leur donnèrent quelque idée d’arts et de sciences. Les plus anciennes et les plus peuplées des quarante-deux villes d’Arabie[1] qu’indique Abulféda, étaient situées dans l’Arabie Heureuse ; les tours de Saana[2] et le réservoir merveilleux de

  1. Marcien d’Héraclée (in Perip., p. 16, in t. I ; de Hudson, minor Géograph.) comptait cent soixante quatre villes dans l’Arabie Heureuse. L’étendue de ces villes pouvait être peu considérable, et la crédulité de l’écrivain était peut-être grande.
  2. Abulféda (in Hudson, t. III, p. 54) compare Saana à Damas, et c’est encore aujourd’hui la résidence de l’iman de l’Yémen (Voyages de Niebuhr, t. I, p. 331-342). Saana