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messe de l’apôtre de Dieu accomplie. » La pauvreté des brigands du désert se trouva tout d’un coup changée en une richesse surpassant leurs espérances et leurs idées. Chacune des chambres de ce palais offrait un nouveau trésor caché avec art ou pompeusement étalé : l’or, l’argent, les meubles et les vêtemens précieux surpassèrent, dit Abulféda, tous les calculs de l’imagination ou la portée des nombres ; et un autre historien porte la somme inouïe et presque infinie de ces fabuleuses richesses à trois mille milliers de millions de pièces d’or[1]. Des faits minutieux, mais propres à intéresser la curiosité, montrent bien le contraste de la richesse et de l’ignorance. La ville renfermait une grande provision de camphre[2], venu des îles éloignées de l’océan de l’Inde, et destiné à être mêlé dans la cire qui sert à éclairer les

  1. Mente vix potest numerove comprehendi quanta spolia… nostris cesserint (Abulféda, p. 69). Au reste, je présume que le calcul extravagant d’Elmacin est une faute de la traduction, et non pas du texte. J’ai reconnu que ceux qui ont traduit d’anciens ouvrages, des ouvrages grecs, par exemple, sont de mauvais calculateurs.
  2. L’arbre du camphre croît à la Chine et au Japon, mais on donne plusieurs quintaux de ce camphre, d’une qualité inférieure, pour une livre de la gomme de Bornéo et de Sumatra, beaucoup plus précieuse (Raynal, Hist. philosoph., t. I, p. 303-365 ; Dictionnaire d’Hist. naturelle, par Bomare ; Miller, Gardener’s Dictionary). C’est peut-être de Bornéo et de Sumatra que les Arabes importèrent dans la suite leur camphre (Géograph. nubien., p. 34, 35, d’Herbelot, p. 232).