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tiné à porter des fardeaux, peut marcher plusieurs jours sans manger et sans boire ; son corps, empreint des marques de la servitude, renferme une sorte de poche, un cinquième estomac, réservoir d’eau douce : les grands chameaux peuvent porter un poids de dix quintaux ; et le dromadaire, d’une structure plus légère et plus active, devance le plus agile coursier. Durant sa vie et après sa mort, presque toutes les parties du chameau sont utiles à l’homme : sa femelle donne une quantité considérable d’un lait nourrissant ; lorsqu’il est en bas âge, sa chair a le goût du veau[1] ; on tire de son urine un sel précieux ; ses excrémens tiennent lieu de matières combustibles, et ses longs poils, qui tombent et se renouvellent tous les ans, grossièrement travaillés, servent à l’habillement, à l’ameublement et aux tentes des Bédouins. Durant la saison pluvieuse, il se nourrit de l’herbe rare et insuffisante du désert ; pendant les chaleurs de l’été et la disette de l’hiver, les tribus vont camper sur la côte de la mer ; sur les collines de l’Yémen ou aux environs de l’Euphrate, et souvent elles se sont portées, non sans péril, jusqu’aux rives du Nil et aux villages de la Syrie et de la Pa-

  1. Qui carnibus camelorum vesci solent odii tenaces sunt, disait un médecin arabe (Pococke, Specimen, p. 88). Mahomet lui-même, qui aimait beaucoup le lait de la femelle de ce quadrupède, préférait la vache ; et il n’a pas fait mention du chameau ; mais le régime, à la Mecque et à Médine, était déjà moins frugal. (Gagnier, Vie de Mahomet, t. III, p. 404.)