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cette apparition de la force militaire ranima et affermit la fidélité des croyans. Les tribus inconstantes se soumirent avec un humble repentir à la prière, au jeûne, à l’aumône ; et après quelques succès et quelques exemples de sévérité, les plus hardis d’entre les apostats se prosternèrent devant le glaive du Seigneur et devant celui de Caled. Dans la fertile province de Yemanah[1], entre la mer Rouge et le golfe de Perse, dans une ville qui n’était pas inférieure à Médine, un chef puissant, nommé Moseilama, s’était donné pour un prophète, et la tribu de Hanifa avait écouté ses prédications. Sa réputation attira près de lui une prophétesse : ces deux favoris du ciel dédaignèrent la bienséance des paroles et celle des actions, et ils passèrent plusieurs jours dans un commerce mystique et amoureux[2].

  1. Voyez la description de la ville et du district d’Al-Yemanah dans Abulféda (Descript. Arabiæ, p. 60, 61). Au treizième siècle, il y avait encore des ruines et quelques palmiers. Maintenant ce même canton est soumis aux visions et aux armes d’un prophète moderne, dont on ne connaît qu’imparfaitement la doctrine. (Niebuhr, Description de l’Arabie, p. 296-302.)
  2. On peut rapporter leur première salutation, mais non pas la traduire. Moseilama dit ou chanta ce qui suit :

    Surge tandem itaque strenue permolenda ; nam stratus tibi thorus est.
    Aut in propatulo tentorio si velis, ant in abditiore cubiculo si malis ;
    Aut supinam te humi exporrectam fustigabo, si velis, aut si malis manibus pedibusque nixam.
    Aut si velus ejus
    (Priapi) gemino triente, aut si malis, totus veniam.
    Imo, totus venito, O Apostole Dei, clamabat fæmina. Id ipsum dicebat.
    Moseilama mihi quoque suggessit Deus.

    Cette prophétesse, qu’on appelait Segjah, retourna à