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Toutes les fois qu’il couchait par terre un rebelle, il s’écriait, Allah Achbar, « Dieu est vainqueur : » et au milieu d’une bataille de nuit, on l’entendit répéter quatre cents fois cette formidable exclamation. Le prince de Damas méditait déjà son évasion ; mais la désobéissance et le fanatisme des troupes d’Ali arrachèrent à celui-ci la victoire, qui paraissait déclarée en sa faveur. Moawiyah troubla leur conscience en déclarant, avec solennité, qu’il en appelait au Koran, qu’il leur montrait exposé sur les piques de la première ligne des soldats ; et Ali fut réduit à souscrire une trêve honteuse et un compromis insidieux. Il se retira à Cufa, plein de douleur et d’indignation : son parti était découragé ; son adroit rival subjugua ou séduisit la Perse, l’Yémen et l’Égypte ; et le poignard du fanatisme, dirigé contre les trois chefs de la nation, n’atteignit que le compagnon de Mahomet. Trois charégites ou enthousiastes s’entretenant un jour dans le temple de la Mecque, des désordres de l’Église et de l’état, décidèrent que la mort d’Ali, de Moawiyah et d’Amrou, ami de celui-ci, et vice-roi de l’Égypte, rétablirait la paix et l’unité de la religion. Chacun des assassins choisit sa victime, empoisonna son glaive, se dévoua à la mort, et tous trois se rendirent secrètement au lieu où ils devaient exécuter leur crime. Ils étaient tous trois également déterminés ; mais le premier, trompé par une méprise, poignarda au lieu d’Amrou, le député qui siégeait à sa place ; le prince de Damas fut blessé dangereusement par le second, et le troisième porta,